Connexion Adhérent

Avortement : la France, mauvaise élève de l'Europe

Gregor Puppinck 0021Grégor Puppinck est docteur en droit et directeur de l’E.C.L.J. (European Center for Law & Justice) une "organisation non-gouvernementale internationale dédiée à la promotion et à la protection des droits de l’homme en Europe et dans le monde" qui défend "la protection des libertés religieuses, de la vie et de la dignité de la personne auprès de la Cour européenne des droits de l’homme". L’E.C.L.J. a publié un très intéressant travail intitulé Droit et prévention de l’avortement en Europe dont la France ne sort pas grandie. À l’heure où il est question d’inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution, pour les lecteurs de Famille d’abord, Grégor Puppinck aborde le sujet sous un aspect plus social.

Grégor Puppinck, dans le cadre de l’E.C.L.J. vous avez collaboré à un ouvrage de synthèse sur les politiques de prévention de l’avortement dans le monde. Pourriez-vous nous présenter l’E.C.L.J. et nous dire quelques mots de ce passionnant document ?

Grégor Puppinck. Le Centre européen pour le droit et la justice (E.C.L.J.) est une organisation non gouvernementale (ONG) fondée en 1998 et agissant auprès des institutions qui protègent les droits de l’homme, au niveau européen et mondial. Nous défendons la vie humaine dès sa conception, la famille et les libertés chrétiennes. Nous intervenons dans les mécanismes offerts par ces institutions (Nations Unies, Cour européenne, notamment) ainsi que dans les médias. La question de l’avortement est un combat que nous menons depuis le début. Nous ne le lâcherons pas, même si c’est probablement le plus dur à mener. S’engager sur l’avortement ferme des portes en ce qui concerne nos autres thématiques d’engagement, mais c’est un sacrifice nécessaire.

Nous avons en effet publié Droit et prévention de l’avortement en Europe (LEH Édition, 2016), résultat d’un travail mené par une équipe de chercheurs en droit européen et droit médical. Ce livre se veut réaliste et se fonde sur une étude factuelle approfondie des causes et des conséquences de l’avortement. Celles-ci incitent à considérer l’avortement non pas comme une liberté abstraite, mais bien plus comme un problème social et de santé publique, exigeant une politique de prévention. Une telle politique est compatible – voire prévue – par le droit international des droits de l’homme. L’ouvrage aborde également les libertés de conscience et d’expression face à l’avortement.

La France ne sort pas grandie de cette étude ; elle serait le seul pays à ne pas avoir mis en place d’outils pour limiter les avortements : comment l’expliquer ?

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En France, le recours à l’avortement est parmi les plus élevés d’Europe et il ne diminue pas, à la différence des autres pays européens. Nous sommes passés de 202 180 en 2001 à 232 000 avortements en 2019 (Dress). Nous sommes à un maximum jamais atteint. À l’inverse, le recours à l’avortement baisse considérablement chez nos voisins. Depuis 2000, il a été réduit de moitié en Italie (de 135 133 à 66 413) et il est passé de 134 609 à 99 948 en Allemagne (Eurostat).

Cette baisse n’est pas due au seul vieillissement de la population car le taux d’avortements par naissance a baissé considérablement, en passant de 150 à 129 avortements pour 1 000 naissances en Allemagne, et 195 à 162 avortements pour 1 000 naissances en Italie, entre 2013 et 2020. En France, il reste autour de 300 avortements pour 1 000 naissances (Ined).

En Hongrie, le recours à l’avortement a été divisé par deux entre 2010 et 2021, passant de 40 450 à 21 900 avortements par an. Comme en Allemagne et en Italie, ce n’est pas plus dû au vieillissement de la population car le taux d’avortement par femme en âge de procréer a baissé en Hongrie de plus de 42 % sur cette période (passant de 16,9, à 9,8 avortements pour 1 000 femmes).

Si l’I.V.G. baissait de 50 % en France – ce qui est faisable – l’indice de fécondité repasserait la barre des deux enfants par femme et cela serait très bénéfique pour la société. Mais ce n’est pas la direction prise actuellement.

Concrètement, limiter les avortements en France, est-ce possible ?

D’abord, je tiens à préciser qu’une telle politique correspond à ce que les Français veulent. Ils ont déjà été sondés par l’Ifop : 73 % estiment que la société devrait aider les femmes à éviter l’I.V.G.. Ce chiffre est en augmentation.

Le plus souvent, l’avortement est subi et non choisi. En effet, selon l’Institut Guttmacher, 75 % des femmes qui ont eu recours à l’avortement indiquent y avoir été poussées par des contraintes sociales ou économiques. La principale cause de l’avortement n’est donc pas tant la grossesse elle-même, que le contexte dans lequel elle se produit. La même femme placée dans des circonstances plus favorables n’aurait pas recours à l’avortement. Une politique de prévention de l’avortement s’attaque à ces circonstances. Elle promeut le couple, le mariage, la famille et la prospérité.

D’autres mesures concrètes spécifiquement orientées vers les femmes enceintes existent. D’après l’Ifop, 84 % des Français sont favorables, par exemple, à ce qu’on indique systématiquement aux femmes enceintes les aides qu’elles peuvent recevoir pour garder et élever leur enfant. Ce n’est pas le cas actuellement. Pourquoi est-il interdit en France à un médecin, lors de l’entretien d’information préalable à l’I.V.G., d’indiquer à une femme les aides qu’elle peut recevoir pour garder son enfant ? Pourquoi ? Aider n’est pas culpabiliser.

Aujourd’hui, puisque les personnes n’ont plus conscience de la nature de l’acte de l’avortement, des mesures peuvent aussi rappeler simplement cette réalité. En Hongrie, par exemple, il est obligatoire pour les femmes d’écouter le cœur de l’enfant qu’elles portent avant de décider si elles souhaitent avorter ou non.