Le Synode sur la synodalité a rendu sa copie le 27 octobre 2024. Parmi les priorités dégagées, deux peuvent retenir particulièrement notre attention : l’obsession de rendre l’Église moins « cléricale » et celle de donner plus d’espace et de pouvoir aux femmes. À la surprise générale, mais en toute logique, le pape a décidé d’entériner tel quel le document final du Synode et de le considérer comme partie intégrante de son propre magistère. Désormais les choses vont bon train.
La démission de Mgr Rey
Évêque de Fréjus-Toulon depuis près de 25 ans, Mgr Dominique Rey a été prié de remettre sa démission, acceptée par le pape le 7 janvier 2025. Déjà en juin 2022, le Vatican avait suspendu les 10 ordinations sacerdotales et diaconales prévues dans le diocèse. En cause, la formation sacerdotale, le discernement des vocations, mais surtout la politique d’accueil de Mgr Rey pour les communautés nouvelles ou extérieures au diocèse. Sur ce dernier point, la libéralité avec laquelle il accueillait les communautés conservatrices et traditionalistes était particulièrement visée.
Une visite apostolique s’en est suivie, menée courant 2023 par Mgr Antoine Hérouard, archevêque de Dijon, et Mgr Joël Mercier, ancien secrétaire du Dicastère pour le clergé. Le 21 novembre 2023, le pape nommait Mgr François Touvet évêque coadjuteur du diocèse avec des pouvoirs spéciaux de gouvernement dans différents domaines, comme la gestion du clergé, la formation des séminaristes et des prêtres, l’accompagnement des instituts de vie consacrée et des associations de fidèles. En revanche, il appelait Mgr Rey à ne pas démissionner et à assumer cette collaboration dans un esprit fraternel. Il a visiblement changé d’avis.
Les « tradis » dans le viseur
Dans Le Figaro du 7 janvier, Jean-Marie Guénois pointe cette demande comme « symptomatique des crises traversées par l’Église de France sous ce pontificat. François n’admet pas que des évêques puissent se montrer trop proches du milieu traditionaliste ». Une analyse confirmée par Mgr Rey lorsque le journaliste lui demande ce qui lui est reproché : « les griefs visent l’accueil trop large de groupes, de prêtres, de vocations, de communautés, avec un manque de prudence particulièrement dans l’accueil du monde dit «tradi». Par ailleurs, on m’a fait grief de dysfonctionnements dans la gestion économique et financière du diocèse ».
On ne peut pourtant taxer Mgr Rey de traditionalisme. Issu de la communauté de l’Emmanuel, il ouvrait aussi bien ses bras aux communautés nouvelles et charismatiques qu’aux conservateurs et « tradis » divers. Il mettait aussi à l’honneur la formation sacerdotale dans son séminaire de la Castille où il attirait de nombreux séminaristes de tous horizons (et tous diocèses !). Si bien que le diocèse de Fréjus-Toulon s’est trouvé fort de près de 250 prêtres et d’une cinquantaine de communautés comme l’Emmanuel, la communauté Saint-Martin, les frères de Saint-Jean ou les dominicaines du Saint-Esprit1.
Mgr Rey ouvrait donc largement ses bras mais il n’était pas assez « synodal », c’est-à-dire « inclusif ». L’esprit du Synode, c’est la reconnaissance du rôle des laïcs dans la gouvernance – particulièrement celui des femmes – l’importance des relations au sein de l’Église et de l’ouverture au monde, ainsi que la volonté de décentraliser les décisions ecclésiales.
Nomination de sœur Simona Brambilla
Alors qu’à sa demande il recevait la démission de Mgr Rey, le pape manifestait dans le même temps que, pour suivre l’esprit du Synode, la priorité n’est plus de susciter des vocations sacerdotales. Le 6 janvier, pour la première fois dans l’histoire de l’Église, le pape nommait une femme à la tête d’un dicastère de la Curie romaine. Sœur Simona Brambilla, 59 ans, est désormais « préfète » du Dicastère pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique au Vatican. Une réponse à l’urgence synodale de séparer les pouvoirs d’ordre et de gouvernement et de féminiser les postes à responsabilité. Une invitation surtout appelée à être suivie.
Mgr Laurent Le Boulc’h, archevêque de Lille, l’a bien compris. Le 24 janvier 2025 il annonçait la création du poste de Déléguée générale du diocèse, qu’il confiera à partir du 1er septembre à une femme : Anne-Flore Vildrac. Dans son communiqué au diocèse, il explique que sa décision « s’inscrit dans les préconisations du dernier Synode des évêques de 2024, officialisées par le pape François, qui encouragent les Églises à appeler des femmes laïques à des postes de responsabilité. […] Au titre de son baptême et de sa confirmation, la Déléguée générale prêtera son concours à l’évêque dont elle devient une proche collaboratrice dans le gouvernement du diocèse2».
C’est le sacerdoce commun des fidèles, basé sur le baptême et la confirmation, qui doit progressivement prendre la place du sacerdoce ordonné. Le Synode sur la synodalité n’a pas fini de transformer l’Église…
1. Pour la liste complète avec le descriptif des communautés, voir https://frejustoulon.fr/diocese/communautes/
2. Communiqué de Mgr Le Boulc’h du 24/01/2025 disponible sur le site du diocèse.