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Vu de Rome

Habemus papam

Le 8 mai 2025 en fin d’après-midi, une épaisse fumée blanche s’est échappée de la cheminée de la chapelle Sixtine, annonçant l’élection du successeur du pape François. Une heure plus tard, le cardinal Dominique Mamberti, protodiacre, apparaissait sur la loggia qui domine la place Saint-Pierre, proclamant solennellement : « Annuntio vobis gaudium magnum, habemus Papam ! ». Et c’est le cardinal Robert Francis Prevost qui est apparu en soutane blanche, pour bénir la foule, sous le nom de Léon XIV. Mais qui est le nouveau pape ?

Américain et fils de saint Augustin

Robert Francis Prevost est né le 14 septembre 1955 à Chicago (Illinois, États-Unis). Son père, d’ascendance franco-italienne, était lieutenant de vaisseau et a participé au débarquement américain en Normandie. Sa mère, d’ascendance créole, était bibliothécaire. Il suit son cycle secondaire au petit séminaire tenu par l’ordre de Saint-Augustin, avant de rejoindre l’université de Villanova, desservie par le même ordre. Il y obtient un bachelor en sciences mathématiques et rejoint l’ordre de Saint-Augustin en septembre 1977.

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Démissions et nominations

Le Synode sur la synodalité a rendu sa copie le 27 octobre 2024. Parmi les priorités dégagées, deux peuvent retenir particulièrement notre attention : l’obsession de rendre l’Église moins « cléricale » et celle de donner plus d’espace et de pouvoir aux femmes. À la surprise générale, mais en toute logique, le pape a décidé d’entériner tel quel le document final du Synode et de le considérer comme partie intégrante de son propre magistère. Désormais les choses vont bon train.

La démission de Mgr Rey

Évêque de Fréjus-Toulon depuis près de 25 ans, Mgr Dominique Rey a été prié de remettre sa démission, acceptée par le pape le 7 janvier 2025. Déjà en juin 2022, le Vatican avait suspendu les 10 ordinations sacerdotales et diaconales prévues dans le diocèse. En cause, la formation sacerdotale, le discernement des vocations, mais surtout la politique d’accueil de Mgr Rey pour les communautés nouvelles ou extérieures au diocèse. Sur ce dernier point, la libéralité avec laquelle il accueillait les communautés conservatrices et traditionalistes était particulièrement visée.

Une visite apostolique s’en est suivie, menée courant 2023 par Mgr Antoine Hérouard, archevêque de Dijon, et Mgr Joël Mercier, ancien secrétaire du Dicastère pour le clergé. Le 21 novembre 2023, le pape nommait Mgr François Touvet évêque coadjuteur du diocèse avec des pouvoirs spéciaux de gouvernement dans différents domaines, comme la gestion du clergé, la formation des séminaristes et des prêtres, l’accompagnement des instituts de vie consacrée et des associations de fidèles. En revanche, il appelait Mgr Rey à ne pas démissionner et à assumer cette collaboration dans un esprit fraternel. Il a visiblement changé d’avis.

Les « tradis » dans le viseur

Dans Le Figaro du 7 janvier, Jean-Marie Guénois pointe cette demande comme « symptomatique des crises traversées par l’Église de France sous ce pontificat. François n’admet pas que des évêques puissent se montrer trop proches du milieu traditionaliste ». Une analyse confirmée par Mgr Rey lorsque le journaliste lui demande ce qui lui est reproché : « les griefs visent l’accueil trop large de groupes, de prêtres, de vocations, de communautés, avec un manque de prudence particulièrement dans l’accueil du monde dit «tradi». Par ailleurs, on m’a fait grief de dysfonctionnements dans la gestion économique et financière du diocèse ».

On ne peut pourtant taxer Mgr Rey de traditionalisme. Issu de la communauté de l’Emmanuel, il ouvrait aussi bien ses bras aux communautés nouvelles et charismatiques qu’aux conservateurs et « tradis » divers. Il mettait aussi à l’honneur la formation sacerdotale dans son séminaire de la Castille où il attirait de nombreux séminaristes de tous horizons (et tous diocèses !). Si bien que le diocèse de Fréjus-Toulon s’est trouvé fort de près de 250 prêtres et d’une cinquantaine de communautés comme l’Emmanuel, la communauté Saint-Martin, les frères de Saint-Jean ou les dominicaines du Saint-Esprit1.

Mgr Rey ouvrait donc largement ses bras mais il n’était pas assez « synodal », c’est-à-dire « inclusif ». L’esprit du Synode, c’est la reconnaissance du rôle des laïcs dans la gouvernance – particulièrement celui des femmes – l’importance des relations au sein de l’Église et de l’ouverture au monde, ainsi que la volonté de décentraliser les décisions ecclésiales.

Nomination de sœur Simona Brambilla

Alors qu’à sa demande il recevait la démission de Mgr Rey, le pape manifestait dans le même temps que, pour suivre l’esprit du Synode, la priorité n’est plus de susciter des vocations sacerdotales. Le 6 janvier, pour la première fois dans l’histoire de l’Église, le pape nommait une femme à la tête d’un dicastère de la Curie romaine. Sœur Simona Brambilla, 59 ans, est désormais « préfète » du Dicastère pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique au Vatican. Une réponse à l’urgence synodale de séparer les pouvoirs d’ordre et de gouvernement et de féminiser les postes à responsabilité. Une invitation surtout appelée à être suivie.

Mgr Laurent Le Boulc’h, archevêque de Lille, l’a bien compris. Le 24 janvier 2025 il annonçait la création du poste de Déléguée générale du diocèse, qu’il confiera à partir du 1er septembre à une femme : Anne-Flore Vildrac. Dans son communiqué au diocèse, il explique que sa décision « s’inscrit dans les préconisations du dernier Synode des évêques de 2024, officialisées par le pape François, qui encouragent les Églises à appeler des femmes laïques à des postes de responsabilité. […] Au titre de son baptême et de sa confirmation, la Déléguée générale prêtera son concours à l’évêque dont elle devient une proche collaboratrice dans le gouvernement du diocèse2».

C’est le sacerdoce commun des fidèles, basé sur le baptême et la confirmation, qui doit progressivement prendre la place du sacerdoce ordonné. Le Synode sur la synodalité n’a pas fini de transformer l’Église…


1. Pour la liste complète avec le descriptif des communautés, voir https://frejustoulon.fr/diocese/communautes/
2. Communiqué de Mgr Le Boulc’h du 24/01/2025 disponible sur le site du diocèse.

Le jubilé 2025

Le 24 décembre 2024, le pape François inaugurera l’Année sainte 2025 en ouvrant la porte sainte de la basilique Saint-Pierre, qu’il refermera le 6 janvier 2026. Dans l’intervalle, des millions de pèlerins afflueront à Rome pour fêter le jubilé et obtenir une indulgence plénière. Mais quelle est cette tradition qui revient tous les 25 ans depuis plus de 700 ans ?

Les origines du jubilé

Le jubilé trouve ses racines dans l’Ancien Testament où la loi de Moïse avait fixé, pour le peuple hébreu, une année particulière tous les cinquante ans. Elle sonnait comme une année d’armistice où les dettes étaient annulées, les terres redistribuées et les esclaves libérés. Cette institution visait à rétablir l’équilibre social et à promouvoir la justice et la charité (Lév. XXV 10-13). La trompette avec laquelle on annonçait cette année particulière était une corne de bélier, appelée « yôbel » en hébreu, d’où le nom de « jubilé ». Dans le Nouveau Testament, c’est l’avènement de Notre-Seigneur qui représente l’accomplissement final du jubilé antique, puisqu’il est venu « Publier l’année de réconciliation du Seigneur » (Is. LXI 1-2).

Le premier jubilé de l’Église catholique a été instauré en 1300 par le pape Boniface VIII pour répondre aux attentes du peuple chrétien, troublé par les guerres et les épidémies. Ce jubilé a conservé l’idée centrale de pardon et de rémission, en accordant aux pèlerins qui se rendent à Rome une indulgence plénière. Au fil des siècles, des jubilés ordinaires ont été célébrés tous les 50 ans, puis tous les 25 ans, avec quelques jubilés extraordinaires proclamés en réponse à des événements spécifiques ou situations particulières. On se souviendra par exemple du jubilé extraordinaire de la Miséricorde proclamé par le pape François en 2016, à l’occasion duquel il avait concédé aux prêtres de la Fraternité Saint-Pie X la juridiction ordinaire pour entendre les confessions.

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Jérôme Lejeune et les défis de la bioéthique au XXIe siècle

Pour la deuxième année consécutive, la chaire de bioéthique internationale Jérôme Lejeune a organisé, lors du week-end de Pentecôte, son congrès annuel sur le thème « Jérôme Lejeune et les défis de la bioéthique au XXIe siècle. » 

Il fait un temps splendide à Rome ce vendredi matin 17 mai lorsque, longeant la place Saint-Pierre de Rome baignée d’une douce lumière, nous pénétrons dans l’Augustinium, palais des congrès placé sous le patronage de saint Augustin. Accueillis par Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Jérôme Lejeune et le professeur Monica Lopez Barahoma, présidente de la chaire internationale de bioéthique Jérôme Lejeune, les nombreux participants se pressent pour récupérer badge, programme et casque audio pour la traduction. Ils sont près de 400, dont beaucoup de jeunes Français et Espagnols, à être venus du monde entier, écouter une trentaine d’intervenants, médecins, professeurs, scientifiques, mais aussi parents faire le point des enjeux de bioéthique, témoigner de leur expérience et approfondir la pensée du professeur Jérôme Lejeune, déclaré Vénérable en 2021. L’organisation est impeccable et chaleureuse, la traduction simultanée en quatre langues permet à chacun de suivre le fil des exposés, de haut niveau, dans sa langue maternelle ou à défaut en anglais.

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Tu ne tueras point, mais pourquoi ?

Le 4 mars 2024, la France a inscrit dans sa Constitution le droit à l’avortement. Le 10 avril, le projet de loi sur l’accompagnement des malades et de la fin de vie est arrivé à l’Assemblée nationale, présentant une ouverture à l’aide active à mourir. L’homme moderne continue de fabriquer sa morale sans aucun égard pour Dieu… ni pour lui-même. Mais que dit l’Église ?

Une Église en sortie, mais pas n’importe où

L’Église vit une triste époque où plus rien ne semble à l’abri d’une remise en cause. Tout est en débat dans l’Église, sa doctrine, sa morale et jusqu’à sa constitution divine. Le synode sur la synodalité en est l’illustration parfaite et Fiducia Supplicans la dernière conséquence la plus effarante. Aucun effort ne semble épargné pour s’aligner sur le monde moderne en abandonnant toute trace de la Tradition catholique. Et pourtant, il reste encore des pierres d’achoppement avec la « morale » moderne, comme l’avortement et l’aide active à mourir. Deux sujets sur lesquels l’Église ne semble pas prête à la moindre concession. Mais qu’est-ce qui pousse le pape François à faire rentrer son Église « en sortie » à la maison quand on aborde ces sujets ? Un retour à la Tradition ?

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