En ce lundi 4 mars 2024, la France est devenue ainsi le premier pays au monde à faire entrer le droit à avorter dans sa Constitution. Un bien funeste palmarès remporté avec la complicité d’une écrasante majorité de parlementaires réunis en Congrès à Versailles. En vain, une poignée d’entre eux aura tenté de s’y opposer. Que leur indépendance et liberté d’esprit soient ici saluées et encouragées car, plus que jamais, nous avons besoin d’élus courageux capables de battre en brèche le conformisme ambiant pour faire reculer l’idéologie mortifère qui progresse. En effet, le combat n’est hélas pas terminé : à peine la page IVG s’est-elle refermée que l’euthanasie s’invite dans l’actualité législative.
Inscription de l’avortement dans la Constitution : quelques résistants
Les 72 parlementaires (sur les 780 que comptent l’Assemblée nationale et le Sénat), qui se sont clairement prononcés contre la proposition de l’inscription de l’avortement dans la Constitution, l’ont fait pour des raisons variées. Si certains ont le respect de la vie chevillé au corps, d’autres craignaient – à juste titre – les conséquences prévisibles d’un texte qui supprimera le peu de liberté qu’il reste aux professions médicales pour refuser de tuer, et aux défenseurs de la vie pour s’exprimer. Fait notable, la bataille a largement transcendé les limites convenues des partis politiques.
À droite comme à gauche, c’est l’auberge espagnole
Chez les Républicains, c’est une majorité qui a voté pour le projet gouvernemental, malgré certains « poids lourds » du parti qui se sont fait remarquer par leur opposition : comme le président du groupe des sénateurs Bruno Retailleau ou encore le président du Sénat, Gérard Larcher, qui estimaient que le droit à l’IVG (auquel ils sont attachés) n’était nullement menacé. 50 députés et sénateurs (sur les 207 élus LR) les ont suivis. Parmi eux, les infatigables députés conservateurs Philippe Gosselin, Xavier Breton et Patrick Hetzel, qu’on a déjà vus à la manœuvre dans d’autres combats législatifs au moment du Mariage pour tous, de la PMA et des précédentes tentatives de légalisation de l’euthanasie. À noter lors des débats parlementaires l’intervention de la sénatrice Marie Mercier qui ose évoquer un tabou, celui de la pression des conjoints sur ces femmes qui « se sentent parfois obligées d’avorter » et ce, dans le plus grand silence des députés féministes…
Mauvaise surprise du côté du Rassemblement National : la chef de file, Marine Le Pen, d’abord opposée à l’inscription de l’IVG dans la Constitution, a changé son fusil d’épaule quelques semaines avant le Congrès et a fini par voter pour, allant jusqu’à ironiser sur la « seule victoire qu’Emmanuel Macron aura à mettre sur son bilan au bout de dix ans ». Logiquement, 46 élus du parti lui ont emboîté le pas tandis que 20 d’entre eux s’abstenaient. Le dernier carré des 11 députés qui ont « voté contre » mérite d’être dénombré : Bénédicte Auzanot, Christophe Bentz, Caroline Colombier, Grégoire de Fournas, Hervé de Lépinau, Marie-France Lorho, Yaël Menache, Pierre Meurin, Mathilde Paris, Stéphane Rambaud et Laurence Robert-Dehaul.
Chez les non-inscrits, le sénateur Stéphane Ravier, acharné défenseur de la vie (un an avant, il prenait les devants en organisant un passionnant colloque sur le sujet) partageait son amertume au soir du 4 mars sur les réseaux sociaux : « Aujourd’hui à Versailles le soleil s’est couché, LR et RN aussi. C’était confondant d’aplat-ventrisme, aucun mot pour les femmes qui avortent malgré elles, aucune compassion, aucune proposition en matière de grande politique familiale et accueil de la vie ». Emmanuelle Ménard et Véronique Besse (non inscrites) ont, elles aussi, tenu bon dans leur refus du projet. Un courage qui vaudra à cette dernière, députée de Vendée, la remarque odieuse d’un militant de la cause (contre lequel elle a annoncé porter plainte) : « Je ne dis pas que les guerres de Vendée ont été un franc succès mais l’extinction de certaines lignées aurait été profitable ». Preuve qu’il faut beaucoup de courage pour ne pas suivre la meute !
Au centre (partis Horizons et Modem) 7 élus se sont opposés au projet. Et dans les rangs de la majorité présidentielle, un ovni est apparu : un certain Jean-Baptiste Lemoyne dont il faudra retenir le nom et qui s’est expliqué dans une interview : « J’estime que cette rédaction n’est pas bonne, elle ne respecte pas la liberté pour la femme de recourir à l’IVG, la dignité humaine et la clause de conscience des professionnels. Il me semble qu’il faut aussi garantir l’autre droit qui est celui des professionnels de santé d’exercer cette clause de conscience ». Il ajoute cette phrase lourde de sens : « J’ai reçu un SMS d’un collègue : "si j’avais su que tu avais voté contre je t’aurais peut-être suivi "».
Les députés Valérie Boyer (LR) et Laure Lavalette (RN) qui, par le passé ont manifesté leur attachement à la défense de la vie étaient absentes le jour du vote. Déception à laquelle s’ajoute le vote d’abstention de Caroline Parmentier (RN), ancienne rédactrice en chef du journal Présent.
Euthanasie : la bataille a commencé
L’heure n’est déjà plus aux atermoiements car dès à présent, c’est une autre bataille qui s’engage. Civilisationnelle et décisive, elle a débuté ce 22 avril où le texte sur « la fin de vie » concocté par Emmanuel Macron entame son parcours législatif.
Précisons d’emblée l’ambiguïté d’un projet de loi qui mélange proposition d’améliorations des soins palliatifs et légalisation du suicide assisté, sans prononcer le mot : euthanasie. François Braun, éphémère ministre de la santé dans le gouvernement Borne et farouche opposant au permis de tuer, n’ergote pas : c’est « un sujet grave qui va profondément modifier notre société, le genre "d’avancée" qui ne souffrira, par définition, d’aucun retour en arrière possible ». Interrogé dans les colonnes de Valeurs Actuelles il s’inquiète : « Le débat sur la fin de vie va fracturer les différents groupes politiques de l’intérieur, en plus de fracturer la société ». Il n’a pas tort : si les partis politiques annoncent d’emblée ne pas donner de consignes de vote, les oppositions à droite comme à gauche sont déjà là. Exemples avec ces deux députés macronistes Charles Rodwell ou Mathieu Lefèvre, l’élu communiste Pierre Dharréville et le député PS de Meurthe-et-Moselle Dominique Potier, très lucide lorsqu’il évoque « ce rouleau compresseur politique et médiatique du progressisme qui considère tous ceux qui s’opposent à cette loi comme des réactionnaires arriérés. »
Du côté de la droite LR, nul doute que le bataillon des traditionnels opposants à l’euthanasie (Xavier Breton, Patrick Hetzel, Thibault Bazin, Annie Genevard, Philippe Gosselin et Marc Le Fur entre autres) saura fourbir ses armes. Marine Le Pen, opposée à la légalisation du suicide assisté, espère convaincre ses troupes de voter contre et l’on devrait pouvoir compter sur la solide résistance de députés RN comme Christophe Bentz. La plus grosse levée de boucliers à la réforme législative émane du terrain ; bon nombre de professionnels de santé sont depuis des mois insatisfaits du texte, vent debout contre le projet euthanasique et le font savoir. Au point que si le suicide assisté était légalisé, la rupture entre le pays légal (les élus) et le pays réel (les soignants) pourrait bien être définitivement consommée.
Le combat sera rude. Aux lecteurs de Famille d’Abord d’y prendre part en écrivant à ses élus. Ils sont comptables de leurs actes.