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"Adultère", le mot disparu

Quand le passage sous silence d’un mot sert l’escamotage du concept qu’il décrit.

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C'est un fait et non pas une opinion. Les mots adultère et homosexualité ont tous deux disparu du magistère de l’Église au plus haut niveau, celui qui est placé sous l’autorité du pontife romain.

En ce qui concerne le premier mot, on le savait déjà. Il a complètement disparu au moment où il aurait été le plus normal de le prononcer, pendant les deux synodes sur la famille et peu après, quand le pape François en a tiré les conclusions dans l’exhortation Amoris lætitia.

« On sait que quand on veut écarter ou éliminer une vérité, il ne faut pas la contredire ouvertement, ce serait en fait la pire stratégie parce que cela susciterait des réactions ouvertes et attirerait l’attention. Il vaut mieux au contraire la passer sous silence, ne plus en parler, la reléguer au grenier ou à la cave avec les antiquités, alors, au fil du temps, on finira par oublier jusqu’à son existence et on vivra comme si elle n’existait pas ».

C’est dom Giulio Meiattini, moine bénédictin à l’abbaye de Notre-Dame de La Scala à Noci et professeur de théologie à l’Athénée pontifical Saint-Anselme de Rome, qui fait cette observation dans la préface de la seconde édition de son livre Amoris lætitia ? I sacramenti ridotti a morale.

« Le premier changement, dont on a sans doute pas bien perçu la gravité effective du fait de sa dissimulation, c’est la disparition complète, pour ne pas dire la censure, du mot "adultère". Ce mot est complètement absent des deux Instrumentum laboris qui ont précédé les synodes de 2014 et de 2015, il est absent des rapports intermédiaires (Relationes post disceptationem), il n’est jamais utilisé dans les deux documents finaux soumis à l’approbation des pères synodaux et enfin, il est définitivement enterré par Amoris lætitia. Il ne s’agit pas d’un détail sans importance. L’enseignement de l’Église, depuis l’époque des Pères de l’Église, n’a jamais manqué de se référer aux textes évangéliques et néotestamentaires relatifs à l’adultère comme formant une partie essentielle de son enseignement sur l’indissolubilité du mariage, avec les conséquences qui en découlent sur la pratique pastorale et la discipline canonique. En revanche, ces passages ne sont jamais expressément cités dans les documents pré-synodaux, synodaux et post-synodaux en question, à part une mention de fragments de Mt 19, 8-9 dont on a justement censuré le passage qui fait précisément référence à l’adultère .»

Il s’agit du passage où Jésus déclare que « si quelqu’un renvoie sa femme – sauf en cas d’union illégitime – et qu’il en épouse une autre, il est adultère ».

Dom Meiattini poursuit :
« Il faut avoir l’honnêteté de le dire et de le reconnaître : cela fait longtemps que, dans l’Eglise, on n’emploie plus le mot "adultère" que très rarement dans la prédication ou dans la catéchèse. On préfère désormais, comme dans le chapitre VIII d’Amoris lætitia, utiliser le terme neutre et inoffensif de "fragilité" qui tend à remplacer le mot "péché" lui-même dans la plupart des cas. On ne désigne plus l’infidélité conjugale occasionnelle ou les nouvelles unions stables successives à l’unique mariage célébré devant Dieu avec le terme approprié par lequel Jésus et la tradition chrétienne les définissent : adultère […]. Dans les deux synodes et dans Amoris lætitia, le péché d’adultère a été effacé non pas d’un coup d’éponge mais d’un coup de silence : on n’en parle tout simplement plus. Et qu’en est-il de tous ces passages du Nouveau Testament et surtout de l’Evangile qui en parlent ouvertement ? Il n’en reste qu’un obscur renvoi entre parenthèses précédé de l’abréviation cf  […]

« Si les unions entre homme et femme "soi-disant irrégulières" (comme les désigne Amoris lætitia) ne sont plus appelées adultères et si en plus elles ne constituent plus de ‘"véritables irrégularités" mais ne sont plus que des "fragilités" ou des "imperfections" par rapport à l’idéal conjugal évangélique (toujours selon le langage utilisé par Amoris lætitia), alors c’est le premier obstacle pour une reconnaissance de l’usage de la sexualité en dehors du mariage qui tombe, presque comme s’il n’était plus condamnable. […]

« On comprend mieux alors les mots du cardinal Walter Kasper à la veille de la publication d’Amoris lætitia, à savoir que ce ne serait que le premier d’une série de changements qui feront date dans l’histoire de l’Église. »

Vittorio Oltramari

Sources : Sandro Magister, Adultère et homosexualité. Les deux mots disparus, http://www.diakonos.be, 08/03/2019.