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Fratelli Tutti (tous frères)

La nouvelle encyclique du pape François est sous-titrée «sur la fraternité universelle et l’amitié sociale» : comme à l’accoutumée, des constats non dénués de fondement mais des solutions humanistes, très éloignées de l’enseignement traditionnel de l’Eglise. Inquiétant à plus d’un titre…

Le 3 octobre 2020, le pape François a signé à Assise la troisième encyclique de son pontificat, intitulée Fratelli Tutti (tous frères). Adressée non seulement aux chrétiens, mais aussi à toute personne de bonne volonté, elle se focalise sur la dimension universelle de la fraternité et de l’amitié sociale. Le Saint-Père s’inspire des nombreuses interventions dans lesquelles il a déjà évoqué ce sujet, spécialement la déclaration cosignée avec le grand imam d’al-Azhar, Ahmad el-Tayeb, lors de la rencontre «Fraternité Humaine» du 4 février 2019. Il se dit aussi particulièrement «stimulé par saint François d’Assise, et également par d’autres frères qui ne sont pas catholiques : Martin Luther King1, Desmond Tutu2, Mahatma Mohandas Gandhi3 et beaucoup d’autres encore»4.

Les Droits de l’Homme comme référence, la dignité de la personne humaine comme vérité transcendante

Fratelli Tutti rPrenant pour référence la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948, le pape regrette sans détour que «l’égale dignité de tous les êtres humains, solennellement proclamée il y a soixante-dix ans, [ne soit pas] véritablement reconnue, respectée, protégée et promue en toute circonstance»5. Selon lui, c’est pourtant par l’obéissance à cette vérité transcendante que l’homme acquiert sa pleine identité, et c’est ce principe sûr qui garantit des rapports justes entre les hommes. Aussi place-t-il tous les maux dont souffre le monde «dans la négation de la dignité transcendante de la personne humaine, image visible du Dieu invisible et [...] de par sa nature même, sujet de droits que personne ne peut violer [...]»6.

Le silence sur la royauté sociale de Notre-Seigneur Jésus-Christ et sur la nécessité de la grâce est ici assourdissant. Le but ultime ne semble plus être le salut des âmes, mais une union fraternelle universelle : «il nous faut constituer un ‘‘nous’’ qui habite la Maison commune»7.

Partant de ce postulat, le pape dénonce les maux dont souffre notre monde.

Un monde fermé

Les maux dénoncés dans l’encyclique pourraient se résumer à l’absence de prise en compte de l’autre et le repli sur soi. Le pape dénonce un monde fermé. Il alerte : la mondialisation impose une globalisation qui semble nous rapprocher, mais qui en réalité impose un mode de penser, d’être et de consommer qui déracine les peuples de leurs traditions au profit d’un petit nombre. Les peuples plus pauvres ne sont pas écoutés, les richesses de leurs cultures ne sont pas prises en compte. Une partie du monde vit dans l’opulence quand l’autre voit ses droits fondamentaux ignorés ou violés. Les ressources naturelles ne sont pas équitablement distribuées.

D’un autre côté, «des nationalismes étriqués, exacerbés, pleins de ressentiments et agressifs réapparaissent»8. Les peurs ancestrales resurgissent : «aujourd’hui encore derrière la muraille de la ville antique se trouve l’abîme […]. C’est le territoire du "barbare" dont il faut se défendre à tout prix. Par conséquent, de nouvelles barrières sont créées pour l’auto-préservation, de sorte que le monde cesse d’exister et que seul existe "mon" monde».

La troisième voie

Une fois les systèmes néolibéraux et nationalistes dénoncés, une longue relecture personnelle de la parabole du bon Samaritain permet au Saint-Père d’exposer une troisième voie. Chaque individu comme chaque peuple doit être enraciné dans son pays et sa culture. En effet «[...] l’expérience de la vie dans un milieu et une culture déterminés est ce qui permet à quelqu’un de percevoir des aspects de la réalité»9. Des aspects seulement. Aussi, l’ouverture à l’autre et le dialogue sont-ils les conditions essentielles à l’enrichissement mutuel, lui-même nécessaire à une meilleure appréhension de la réalité dans sa globalité. Chaque individu est l’image visible du Dieu invisible, chaque peuple est riche des semences du Verbe. Seule une véritable culture de la rencontre dans le respect de ses propres convictions permet de dépasser nos partialités : thèse, antithèse, synthèse.
Ce double mouvement (enracinement/ouverture) s’applique à toutes les échelles : individuelle, familiale, nationale et internationale.

Des directives plus philanthropiques que catholiques

Un certain nombre de directives jalonnent l’encyclique. En voici les plus significatives. La première condition à l’instauration d’une véritable culture de la rencontre est la mise en place d’un processus éducatif. Cette culture implique la proclamation et le respect d’un droit à l’immigration, qui découlerait du «droit de tout être humain de trouver un lieu où il puisse […] répondre à ses besoins fondamentaux et à ceux de sa famille, mais aussi se réaliser intégralement comme personne»10. L’accueil des migrants est élevé au rang de devoir moral. «Quiconque construit un mur, finira par être un esclave dans les murs qu’il a construits, privé d’horizons»11. Le pape milite également pour la reconnaissance de la pleine citoyenneté aux migrants arrivés depuis quelque temps. Sans plus de précision, en particulier sur la religion de ces migrants…

Ces considérations l’amènent à nuancer fortement le concept de propriété privée : «la tradition chrétienne n’a jamais reconnu comme absolu ou intouchable le droit à la propriété privée, et a souligné la fonction sociale de toute forme de propriété privée. Le principe de l’usage commun des biens créés pour tous est le premier principe de tout l’ordre éthico-social»12. Ce n’était pourtant pas la définition de Léon XIII dans son encyclique Rerum Novarum sur la doctrine sociale de l’Eglise (1891). A l’évidence, l’approche de François se teinte de socialisme et puise ses sources dans la pensée marxiste de la théologie de la libération recyclée en «théologie du peuple».

Le Saint-Père appelle aussi de ses vœux un véritable gouvernement mondial pour le développement solidaire de tous les peuples et une réforme de l’Onu. Il condamne toute forme de guerre. La détention d’armes nucléaires, même dissuasives, est immorale (il en demande la totale destruction). Enfin la peine de mort est solennellement déclarée inadmissible.piqselscom id fjxbo

On notera sans sourire que Jean-Luc Mélenchon est le seul homme politique français à avoir salué, pour s’en réjouir, la sortie de cette encyclique13.

Les religions au service de la fraternité dans le monde

C’est le titre du dernier chapitre de l’encyclique qui sert de conclusion. La religion catholique est mise au même rang que les autres pour œuvrer, main dans la main, à l’instauration d’une civilisation de l’amour dirigée par un gouvernement mondial laïc. Et par quel moyen ? La grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ acquise sur la Croix et transmise dans les sacrements de l’Eglise ? Non : par la rencontre et le dialogue. On nage en plein syncrétisme. La royauté sociale de Notre-Seigneur et l’impossibilité du salut sans la Croix sont reniés, en pratique sinon doctrinalement.

A méditer gravement. 


1. Pasteur protestant, militant pour les droits civiques des Afro-Américains, auteur du célèbre discours «I have a dream», en 1963. Cette thématique du «rêve» est régulièrement reprise par le pape dans son encyclique.
2. Archevêque anglican sud-africain, prix Nobel de la paix 1984. Auteur d’une «théologie de la réconciliation», il est engagé auprès de Nelson Mandela dans la lutte contre l’apartheid, dénonce l’homophobie et milite pour l’euthanasie.
3. Dirigeant politique et guide spirituel de l’Inde. Il fut leader du mouvement de libération du pays en prônant une désobéissance civile de masse et la non-violence comme moyen révolutionnaire.
4. Fratelli Tutti § 286.
5. Idem § 22.
6. Idem § 273.
7. Idem § 17.
8. Idem § 11.
9. Idem § 144.
10. Idem § 129.
11. Idem § 27.
12. Idem § 120.
13. Dans une tribune, sur le site du magazine La Vie.