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Conclusion : le modèle liturgique

Nous avons vu comment éviter les pièges qui rendent notre sensibilité incontrôlable. Nous avons quelques clés pour la dompter. Mais à l’inverse, comment l’ordonner ? Comment l’épurer et la rendre conforme à l’ordre voulu par Dieu ? Comment faire pour que nos larmes soient des larmes de vérité, comme celles du Christ, et non des larmes de faiblesse, comme celles des hommes qui renoncent ?

Eh bien ! la solution se trouve magnifiquement illustrée dans la liturgie.

La sensibilité ouvre les yeux sur la beauté et la vérité de Dieu. En effet, Dieu a placé nos sens et notre sensibilité au cœur de la Révélation, parce que c’est par là qu’Il veut toucher notre intelligence et notre cœur. Il l’a voulu ainsi. La sensibilité de notre âme est comme le feu de la forge qui rend le fer malléable et permet au marteau de la vérité et de la beauté de graver au fond de notre âme la connaissance de Dieu. Dieu a voulu que la sensibilité soit notre faculté capable d’appréhender le Beau et le Vrai. Comme le dit Maritain, il y a une délectation devant une œuvre d’art, cette délectation vient de notre capacité à voir Dieu dans les choses. Et de la même manière que la grâce et même Dieu Lui-même se reçoivent dans les sacrements à travers les sens, Dieu se voit dans les choses à travers notre sensibilité. C’est cela qu’exprime la liturgie !Congres adorationComme le dit Maritain, l’émotion est le résultat de la vérité goûtée dans l’art et la beauté, elle est conséquence, elle n’est pas le but recherché. C’est tout l’inverse de l’époque contemporaine. Nous vivons dans une dictature de la sensibilité : il faut pleurer, s’émouvoir, compatir mais surtout ne pas connaître, ne jamais goûter le vrai ! Il s‘agit d’un véritable esclavage, d’un chantage émotionnel perpétuel, qui abrutit le monde, obscurcit les intelligences et enchaîne nos volontés et notre liberté.

Pour le comprendre, faisons un parallèle entre la messe moderne et la messe traditionnelle.

La messe de saint Pie V expose la vérité de Dieu avec beauté : musique, encens, bougies, gestuelle, silences etc. On enseigne la présence de Dieu dans l’hostie par l’or du calice et du ciboire, par le lavabo, par les mains consacrées, par les génuflexions, par les silences. Il ne suffit pas de le dire, il faut le rendre sensible. On enseigne la divinité du Christ par l’encens et la flamme des cierges, par la génuflexion, la déférence qui entoure le tabernacle et les Saintes Espèces. Il ne suffit pas de l’écrire. On enseigne l’humanité et l’incarnation de Jésus par la cire, le pain et le vin. Il ne suffit pas de le promulguer. Toutes ces choses sensibles de la liturgie sont au service de la vérité, elles visent la vérité, elles en sont imprégnées, c’est pour cela qu’elles sont belles et causent la joie de l’âme, c’est pour cela que l’Exultet clamé dans la nuit, que le Gloria qui tintinnabule, que l’hostie et le calice levés dans la lumière nous émeuvent, nous transportent de joie et de componction. C’est parce que c’est vrai et beau ! C’est cela le sacré ! L’émotion suscitée qui vient imprimer notre âme est la conséquence de la liturgie, non le but.

Dans la messe moderne, c’est tout l’inverse ! Il y a beaucoup plus de paroles mais on a enlevé la pompe, le mystère des chants, la richesse des objets, la déférence dans les gestes. Il n’y a plus de sacré ! Les cantiques sont souvent mièvres, mélancoliques, joliets. Ils sont remplis d’émotions mais vides de vérité. Ils font verser une larme mais n’élèvent pas l’âme, voire la perdent dans des horizons humains, tristes, sans vérité, sans transcendance. Il faut bien comprendre qu’il s’agit d’une escroquerie, d’un vaste mensonge qu’il faut dénoncer. Notre monde est un monde de faussaires !

On peut faire la même comparaison avec le baptême : dans le rite moderne, le parrain, la marraine, les parents, les grands-parents se succèdent au pupitre pour parler de leur fierté, de leurs émotions, de ce qui secoue leurs tripes mais on a supprimé les exorcismes, l’entrée dans l’église etc.

Alors, éduquons notre sensibilité et celle de nos enfants comme Dieu éduque notre sensibilité à travers les rites de son Eglise : pénitence, jeûne, jours de fêtes, joie, musique, prières, encens, contemplation, eau, pain, vin, méditation, chrême, huile, cierge, dévotions, médaille, scapulaire, cloches, le sacré, c’est cela tout ensemble. Menons notre vie comme nous assistons à la messe : debout pour la foi, assis pour ménager notre faiblesse et à genoux pour adorer.

Agir sur notre esprit, sur notre âme

La sensibilité est un outil de connaissance

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La sensibilité de l’âme : ce sont les passions, les sentiments, les émotions. On parle d’émotions primaires :
  • joie ;
  • tristesse ;
  • peur ;
  • colère ;
  • dégoût ;
  • surprise.

Puis on parle d’émotions secondaires qui sont une combinaison de deux (ou plus) émotions primaires. Par exemple, la honte, émotion secondaire, réunit le dégoût et la peur, émotions primaires.

Ces émotions sont induites, favorisées par une réaction de notre corps à son état interne (physiologique) et son environnement externe (ce qui nous entoure). Une succession d’émotions va ensuite entraîner un état affectif : c’est le sentiment, qui touche l’esprit car il participe à la manière dont notre intelligence va appréhender le monde. Il touche aussi à la mémoire qu’il nourrit, à l’imagination qu’il développe, à l’intelligence qu’il oriente et influe.

Ce qu’il faut retenir, c’est que les émotions et les sentiments nourrissent l’âme, ils s’ajoutent à nos sens par lesquels nous connaissons le monde et vont influencer notre appréhension du réel. La sensibilité est donc une faculté primordiale, elle nourrit l’intelligence, certes de manière indirecte, mais c’est elle qui va imprimer, par sa chaleur, au plus profond de l’âme, la vérité (ou l’erreur !). Les émotions et les sentiments sont le chalumeau qui inscrit dans le cœur de l’homme la connaissance. Certes, ce n’est pas la connaissance elle-même mais c’est la sensibilité qui forge l’intelligence. Ainsi, dire que « le péché est abominable » est vrai, mais le comprendrions-nous vraiment sans contempler la Croix qui nous bouleverse ? Non ! Et c’est pour cela que Dieu l’a voulue !

La sensibilité est aussi cause de perdition

Mais à l’inverse, la puissance qu’ont les émotions et les sentiments sur notre intelligence représente un terrible danger. Et plus nous sommes sensibles aux émotions et aux sentiments, plus nous sommes aussi, d’un certain côté, faibles et plus nous risquons de tomber dans l’erreur. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à regarder le monde actuel : tout aujourd’hui est larmoyant, mièvre, scandaleux, obscène ou choquant.

Qui n’a pas reçu et fait suivre ces chaînes de mails ou ces vidéos qui, avec une musique triste, vous font pleurer sur un petit bébé qui va mourir si on ne constitue pas très vite une chaîne mondiale de prière ? Peu importe que le bébé ait déjà rejoint le Ciel depuis des années, ou qu’il soit guéri, voire qu’il n’ait jamais existé. Qui n’a jamais arrangé la vérité auprès d’un ami pour ménager sa sensibilité et lui dire des mots qui plaisent plutôt que des mots authentiques ? Qui n’a jamais signé une pétition inutile parce qu’il a été choqué par les propos scandaleux d’un ministre provoquant ou iconoclaste, sans avoir vérifié lesdits propos, sans s’être demandé s’il était cohérent de signer une telle pétition en ligne alors qu’on n’ose pas laisser son chapelet pendu à son rétroviseur de peur du regard des autres ? Qui enfin n’a jamais été tenté de mettre ses convictions de côté parce qu’au fond, c’est usant d’être un dinosaure ? Qui n’a jamais songé, devant un ami qui vit en concubinage ou qui refuse de voir la vérité de Vatican II, qu’après tout, ce qui compte, « ce ne sont pas les actes mais la sincérité avec laquelle on les pose » ? Et ainsi, on s’attiédit. Non ! La vérité est exigeante mais trop souvent nous nous voilons la face à cause d’une trop grande sensibilité.

Il est évident que notre sensibilité doit être éduquée si nous ne voulons pas nous éparpiller et nous perdre. Cela est d’autant plus urgent qu’à notre époque de l’instantané et du « tout écran », tout est fondé sur cette sensibilité dévoyée. La sensibilité est notre principale faiblesse face au monde (avec l’ignorance) : désinformation, débat politique, politiquement correct, nouveaux dogmes, tout utilise notre sensibilité pour nous affadir. Alors, comment faire ?

Dompter la sensibilité

L’erreur serait de dire qu’il faut être insensible pour être fort, qu’il faut combattre et bannir les émotions et les sentiments pour ne pas se faire piéger et ainsi rester maître de soi-même. Eh bien non ! Mille fois non ! N’oublions jamais, Jésus a pleuré la mort de Lazare ! Ce qu’il faut c’est ordonner la sensibilité à la vérité. Ce travail est celui de toute une vie, il dépend de chaque caractère et doit correspondre à l’environnement de chacun. Voici les quelques principes qui demeurent.

Le temps est un allié précieux

Les émotions sont liées à un état physiologique passager, elles ne durent pas dans le temps. Le meilleur moyen de ne pas agir sous le coup d’une émotion est de temporiser. Cela permet à l’intelligence et à la volonté de reprendre le contrôle. « Tourner sept fois la langue dans la bouche avant de parler ». Le plus dur sera d’apprendre cela aux enfants mais un moyen efficace est de leur apprendre la patience (supporter les petits défauts des autres, les petits inconforts, terminer ce qu’on a commencé, apprendre à contempler). De manière générale, à notre époque où tout est voulu et obtenu dans la seconde, apprenons à attendre.

Fuir les écransLire r

Les écrans véhiculent des images et des musiques, très souvent médiocres, voire dangereuses, qui par leur force suggestive stimulent plus notre sensibilité que notre intelligence, voire ne s’adressent qu’au « palpitant », donnent la chair de poule mais n’effleurent pas, même une seconde, notre intelligence sous somnifère. Il est toujours utile de rappeler cette évidence, tant c’est important ! Nous devons être actifs dans ce que nous écoutons et ce que nous regardons et nous obliger à poser un regard critique sur les contenus ingérés. Enfin, n’oublions pas qu’entre une heure sur un écran et une heure avec un bon livre, il faut toujours choisir le bon livre ! La lecture est le remède aux écrans qu’il nous faut apprendre à nos enfants, par exemple en leur mettant à disposition une bibliothèque et en les incitant fortement à lire.

Bannir les réseaux sociaux

Il est toujours utile de rappeler l’importance d’une telle règle de vie. Le principe d’un réseau social est de se mettre en avant, de manière totalement publique ou auprès d’un groupe de tiers. Cela ne peut que flatter notre sensibilité et nous couper du réel. Si vos filles sont sur les réseaux sociaux, elles se mettent en danger de se construire une vitrine narcissique qui les éloignera du réel et pourra les empêcher de poser leurs grands choix de vie : mariage, vocation. Cela risque fortement de les rendre superficielles et creuses. Il en va de même pour les garçons, évidemment. Nous avons tous l’image du garçon qui saute du plus haut plongeoir de la piscine publique, parce que des gens regardent : il veut épater la galerie. Eh bien, c’est ce que tout le monde fait sur Facebook, WhatsApp, Instagram, Snapchat, YouTube ou tout autre outil d’abrutissement des masses. Tous ces réseaux ne sont que des scènes minables où nous jouons un mauvais théâtre, souvent narcissique, très souvent pauvre, presque toujours inutile et parfois nauséabond (calomnies, rumeurs, vindictes, jugements, vanités).

Se méfier du romantisme

Entendons par romantisme toutes les œuvres, notamment une certaine littérature, certaines musiques et de nombreux films qui flattent d’abord et en premier les émotions. Si vos filles lisent des romans « à l’eau de rose », elles se feront de fausses idées des hommes, elles risquent d’attendre un prince idéal et pourraient passer à côté d’un homme réel, certes imparfait mais que Dieu aura placé sur leur route. Et ne parlons pas des garçons ! Le romantisme a encore plus d’impact sur eux que sur les filles. Si vos garçons écoutent des musiques lascives, ils seront paresseux et, plus grave, ils seront faibles face aux tentations d’impureté. Combien de vocations manquées parce que des garçons se perdent dans des rêveries désincarnées et sentimentales ?

Notons ici l’importance de la différence d’attitude à adopter envers les garçons et les filles : les filles seront plus enclines à devenir fleur bleue, il faut donc surveiller leurs lectures (exemple : livres tels que Delly, Barbara Cartland etc.), les musiques qu’elles écoutent et les amies qu’elles fréquentent. Mais il faut se résoudre à un certain romantisme chez les filles. Soyons plus vigilants avec les garçons.

Demeurer au lieu de zapper

A notre époque, tout est « instantané ». Un mail ? Il faut répondre. Un appel ? Il faut le prendre, peu importe si nous sommes à table. Un texto ? Il faut répondre et mettre une émoticône (important ça l’émoticône !). Une publication sur Facebook ? Il faut dire si on aime (ou pas). Une question ? Google est ton ami. Cela est si facile, cela va si vite ! Mais nous sommes-nous déjà demandé si tout cela n’était pas dangereux ? A une époque de gens pressés, on ne peut que ressentir, pas réfléchir. A une époque de gens qui courent, on ne peut que réagir et pas agir. A une époque de gens qui zappent, on ne peut que manquer la vérité et pas la contempler.little girl r A une époque de gens qui ont déjà tout vu, on ne peut qu’être blasé, on ne sait plus s’émerveiller. Le remède à l’« esprit zapping » est la contemplation. Apprenons à nos enfants à contempler la beauté du monde, simplement, sans chichi, sans fard mais en vérité.

Prendre en compte les tempéraments

Évidemment, il faut prendre en compte les différences de tempérament de nos enfants. Essayons ainsi de stimuler leur sensibilité lorsqu’ils sont bilieux ou flegmatiques. En revanche, faisons attention à ce que nos enfants mélancoliques et sanguins sachent la contrôler. Surtout les mélancoliques !

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