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L'éducation sexuelle, pourquoi ?

Le témoignage par lequel s’est ouvert ce dossier est une histoire vraie. Elle est même tristement commune et de nombreux récits de ce genre affluent aujourd’hui. Matt Fradd, un thérapeute australien, en a recueilli quelques-uns dans un livre poignant1, qui résume bien l’ampleur du problème et la dynamique quasiment similaire à chaque cas. Les nombreux drames conjugaux et personnels qui foisonnent y compris dans notre environnement le prouvent. Les ramifications de ce mal sont toutefois tellement diverses et profondes qu’il est difficile de connaître précisément s’il en a été la cause directe ou indirecte.

Affabulation ? Exagération ? Dramatisation ? Tous les confesseurs savent que non. Celui qui s’y reconnaîtra de près ou de loin également. Pour celui-là, surtout, il faut y voir un espoir : il n’est pas seul et il est possible de s’en sortir.

Un espoir donc, mais surtout la fin de la naïveté pour nous tous : bien souvent, lorsque nous entendons les mots « addiction », « accro », « porno », nous hochons la tête d’un air entendu : dans quel monde vit-on, ma brave dame ? Heureusement que « chez nous », « dans nos milieux », nous en sommes préservés ! Et nous passons à autre chose… Non, il n’y a pas que chez les non-croyants que l’impureté fait des ravages. Le feu rampe aussi au milieu de nos racines, d’autant plus pernicieux que le précipice apparent qui sépare ce vice de nos valeurs encourage le « démon muet » et laisse sa victime dans un isolement total d’où elle ne pourra jamais sortir seule. Une prise de conscience est donc nécessaire, sans catastrophisme, mais sans angélisme. 

Sans catastrophisme, parce que Dieu veille : nul n’est tenté au-dessus de ses forces. Ce démon de l’impureté est LE démon de ce monde. Il est LA tentation qui a fait et fera chuter les hommes or, les moyens nous ont été donnés, par Notre-Seigneur et l’Eglise, afin de vaincre.

Sans angélisme, parce que tous les témoignages convergent vers un point : lorsqu’il y a addiction, elle prend sa source dans l’enfance. Plus précisément, c’est bien souvent lorsque la découverte de la sexualité se fait par un événement traumatisant (comme le visionnage d’images pornographiques, ce que les psychologues assimilent à un viol), que le tropisme qui en résultera sera honteux ou négatif : la machine à broyer peut alors se mettre en marche. Sans angélisme, parce que la maturité de l’enfant face au péché est bien supérieure à celle que son corps et son intelligence affichent. Les interdits et les barrières matérielles que nous, parents, mettront entre ce monde et notre enfant resteront inefficaces face à la force de frappe du démon sur cette faiblesse fondamentale (même s’il est entendu que ne pas donner un smartphone à son enfant avant ses dix-huit ans relève du bon sens le plus élémentaire).
Ce constat fait, tout le monde s’interroge alors : que faire ?

Une mise en perspective historique

Pour comprendre le sujet, nous ne pouvons faire l’économie d’une mise en perspective historique : l’homme est tributaire des codes de son époque et si l’interdit religieux de l’impudicité est intemporel, les réactions de la société face à celui-ci ne le sont pas. Les premières décennies du XXe siècle ont été très pudibondes, une réaction due notamment à la conception de plus en plus provocatrice de la nudité de la part de la frange progressiste de la société2. pregnancy 2700659 pixabay R de la nudité, considérée au XIXe siècle comme un signe de folie, prend alors une dimension sexuelle que la morale publique réprouve encore. Le terme même d’éducation sexuelle ne se développe (discrètement) qu’après la Première Guerre mondiale, et certaines autorités de l’Eglise encouragent même les couples mariés à vivre dès que possible une abstinence complète3, considérant l’acte conjugal comme un mal, rendu nécessaire pour la procréation, mais dont il vaut mieux se débarrasser au plus vite. Même si l’Église a toujours recommandé une saine et complète éducation de la sexualité, l’époque a immanquablement influé sur les façons de faire, et au même titre que certains clercs commençaient déjà avant guerre à faire du conciliaire sans le savoir, d’autres pouvaient avoir des analyses inadaptées concernant ce sujet. Des années 20 aux années 60, « la population dans sa masse n’ose toujours pas regarder en face " ces choses-là4 "».

La déferlante de la « libération sexuelle » qui suit Mai 68 trouvera un catalyseur redoutablement efficace avec l’Internet. A cette période, pour la génération déjà éduquée et adulte, le mal est moindre. Mais pour les jeunes qui se forment et grandissent en cette fin de XXe siècle, c’est une catastrophe : leurs parents, généralement habitués à un silence pudique et gêné sur le sujet, reproduisent le schéma qu’ils ont eux-mêmes hérité, à une époque où l’aspect pornographique de la sexualité était marginal et réservé à quelques initiés pervers. Ils n’en parlent pas, ou peu. Ce seront donc les copains, les revues et plus tard l’Internet qui vont faire découvrir aux adolescents (et même aux enfants), la sexualité : la confusion entre l’égoïsme mortifère et avilissant de la pornographie et l’épanouissement généreux et structurant d’une sexualité chaste dans le mariage devient inévitable. Les exemples notables de familles où une vision chrétienne et sainte de l’union conjugale est dispensée aux enfants prouvent bien que les parents n’ont désormais plus le choix : soit ils seront les premiers à inscrire cette connaissance essentielle au cœur de leurs enfants, en l’entourant de toute la beauté que le Créateur a voulu y mettre, soit les premières lignes de l’éducation sexuelle de leurs enfants seront écrites sur la page blanche de leurs âmes avec les mots de Satan qui s’adresseront de manière indélébile à la concupiscence originelle. Oh ! bien sûr, ce n’est pas parce que les enfants auront reçu une saine instruction en la matière qu’ils seront épargnés par l’impureté, mais ils seront capables de distinguer le Mal du Bien, et leur intelligence aidée de la grâce saura trouver le plan de Dieu dans cette puissance fondamentale de l’être humain. La lutte en sera alors grandement facilitée.

La pureté dans la sexualité, toute la beauté du plan de Dieu

Sur cette terre, Dieu laisse s’accomplir deux miracles (faits que la science ne peut expliquer) à l’initiative de la seule volonté humaine. Seulement deux. Tout d’abord l’Eucharistie, qui transforme la matière inerte du pain en le Corps de Jésus-Christ. Mais aussi la procréation, qui fait de l’union de deux gamètes sans conscience, une personne « à l’image de Dieu », dont l’âme, puis le corps, seront éternels. Il n’y a donc pas, en soi, la moindre imperfection dans l’acte que Dieu a voulu nécessaire pour la perpétuation du genre humain. Et c’est manifestement cette dignité que Satan veut détruire à tout prix, aidé par le péché originel et la concupiscence.

Avec ces quelques phrases, tout devient limpide pour un enfant ; le renforcement de sa pureté peut se faire sainement et les outils ne manquent pas. La méthode nous est donnée directement par Notre-Seigneur : « Il est des démons qui ne se chassent que par la prière et la pénitence. » En clair, il faut jouer sur les deux fronts, le spirituel et le corporel. Ce qui est éminemment logique, pour un mal qui s’attaque à la chair. Voyons la lutte sous l’angle de l’épée et du bouclier : l’un ne peut aller sans l’autre et celui qui ne part à la guerre qu’avec l’épée ne perdra pas parce que son arme est mauvaise mais parce qu’il a besoin d’un bouclier protecteur pour attaquer en confiance. Toutes les neuvaines, méditations et chapelets quotidiens, si indispensables soient-ils, resteront inefficaces si une saine mise en contrainte du corps ne vient pas établir un rempart entre le bon et le mauvais usage de ses sens5.

Revenons un instant sur le témoignage introductif qui donne matière à trois réflexions.

Le démon muetsad 3176411 pixabay

L’adolescent, puis l’adulte père de famille se retrouve englué dans un engrenage infernal suite à un double enfermement de sa parole : il n’ose pas demander à ses parents de lui parler de sexualité et, une fois tombé, il n’ose pas s’ouvrir de son problème à une personne de confiance. Dans les deux cas, la honte et la culpabilité l’emmurent puissamment. Le début de sa libération est éloquent : il en parle enfin à son épouse. Bien loin de le rejeter, celle-ci prouve de manière définitive la force de l’amour conjugal et rentre à ses côtés dans le combat. Entre parents et enfants, tous les échanges, discussions, explications en vérité sur la génération humaine et ce qui s’y rapporte, seront autant de canaux de communications ouverts qui permettront d’éclairer ce sujet avec confiance.

Le plan de Dieu apparaîtra de façon d’autant plus limpide que l’enfant n’aura pas entamé sa période troublée de la puberté : il faut chasser de nos esprits la crainte de « choquer », de lui faire « perdre sa naïveté » etc. Présentée de façon saine et sainte, l’empreinte de cet acte généreux sur cette âme enfantine proche de Dieu le sera tout autant. Comme tous les hommes, le démon de l’impureté l’attaquera sûrement un jour : mais alors, il trouvera une âme armée qui saura l’identifier et combattre.

Le danger est réel pour tout le monde

Le drame de ce cas n’est pas tant la spirale mortifère que le « profil » de la personne : il ne s’agit pas de quelqu’un en révolte, ni d’un pervers sans foi ni loi, ni d’un marginal. De plus, il lutte : inefficacement durant de nombreuses années, mais il lutte et maintient malgré tout une vie de prière et de sacrements. Il souhaite s’en sortir et n’y arrive pas. Pourquoi cela ? La raison en est autant physiologique que spirituelle et c’est pour cela que le spirituel ne parvient pas à vaincre seul. Mais surtout, et le pire est là, il faut se rendre compte que désormais la pornographie en accès illimité touche des personnes pourtant conscientes de sa nocivité.

Des ramifications que l’on ne soupçonne pas

« On asservit un peuple beaucoup plus facilement avec la pornographie qu’avec des miradors », disait Alexandre Soljenitsyne. Les dangers sont bien réels, non seulement pour le salut des âmes, mais aussi pour cette vie terrestre. Matt Fradd et les psychologues en général observent que la première conséquence de cette addiction est la perte de confiance en soi. Cette schizophrénie entre la vie cachée et la vie réelle détruit l’estime de soi, altère les capacités de réflexion et de concentration, puis renferme la personne sur elle-même.

Longtemps, la lutte pour la pureté s’est menée dans le seul champ spirituel. C’est en effet indispensable. Mais comprenons bien que le corps et l’âme étant intimement liés, il est illusoire de vouloir traiter uniquement dans l’âme un problème dont la porte d’entrée est le corps. La réponse doit être globale et voici de manière succincte quelques pistes préconisées par des thérapeutes confrontés à l’addiction :olympics 4764173 pixabay

  • faire du sport : le stress positif auquel le corps est soumis par le sport aide à en prendre plus facilement le contrôle ;
  • créer des liens sociaux : la période entre huit ans et la puberté est privilégiée en cela car elle est le temps des amitiés. La conscience de l’enfant n’est pas encore troublée par l’adolescence et sa capacité future à aimer s’établira à l’aune de la profondeur des amitiés qu’il aura tissées à cette époque ;
  • s’investir dans un passe-temps, une association, développer un talent : cela permet de reconstruire la confiance et l’estime de soi qui sont les premières victimes de l’addiction ;
  • régler son usage de l’Internet : conseil avisé pour une personne saine, cela devient indispensable dans le cas d’une addiction. C’est une certitude absolue : pour une personne addicte, l’Internet en accès libre n’est plus possible si elle veut s’en sortir.

Conclusion

Finalement, lorsque nous levons la tête au-dessus du bourbier qui s’étale sous nos yeux, nous ne devrions y voir qu’une attaque de plus du Malin, certes décisive et cruelle, mais tellement annoncée et prévisible ! « Le dernier combat sera livré contre la famille », nous a prévenus Notre-Dame il y a plus d’un siècle ; quoi de plus efficace pour détruire la famille que de s’attaquer à ce qui est à la fois son fondement et son point faible ? « Détruire la femme pour détruire l’Eglise », cette doctrine maçonnique du début du XXe siècle devait naturellement survenir dans un monde totalement acquis au matérialisme athée.

Pour autant, les armes ne manquent pas : le monde catholique doit maintenant se lever pour les faire siennes. La tâche est ardue, mais l’enjeu est véritablement de civilisation en plus d’être décisif pour le salut des âmes de nos enfants : qu’attendre d’une génération dont plus de la moitié (et ce chiffre date de 2017) a visionné des images pornographiques avant 17 ans ? Ne doutons pas que nos enfants y seront confrontés : nous devons les armer, leur montrer toute la beauté de l’amour humain, image de l’Amour divin, tout en les prévenant des dangers qui les menacent et contre lesquels ils devront lutter.


  1. Libres, Editions de l’Emmanuel, 2015.
  2. Jean-Claude Bologne, Histoire de la pudeur, 1986.
  3. Propos du père Alphonse d’Heilly en 1961, Aimer en acte et en vérité, publié en 1996.
  4. Yvonne Knibiehler, L’Education sexuelle des filles au XXe siècle, 1996.
  5. Famille d’abord n°39 de juin 2019, le dossier décrit tout cela de manière précise.

Suite : Ne nous laissez pas succomber à la tentation "