L'autorité dans l'entreprise
Dans la société civile, il existe une organisation dans laquelle l’application du bon ordre conditionne la fin : c’est l’entreprise. En son sein, seul l’exercice de l’autorité vécu sous inspiration chrétienne peut conduire au fonctionnement harmonieux.
Dans l’entreprise, publique ou privée, on gère des hommes, des flux, des processus avec la meilleure efficacité possible, en prenant des risques mesurés, sous l’autorité d’un chef dont la prudence est une des vertus majeures. Alors que certains gouvernements, après avoir écarté Dieu, gaspillent les deniers publics avec une politique uniquement «politicienne», le chef d’entreprise, lui, vise une politique de bon résultat (un terme à prendre avec toutes ses bonnes finalités) sous le regard de Dieu.
La mission de l’entreprise dans le plan de Dieu
Pie XII nous a laissé plusieurs écrits sur l’entreprise, retenons celui qui en décrit la mission finale : «le but auquel l’entreprise tend par sa nature même, et que les individus doivent également poursuivre dans les diverses formes de leur activité, c’est de mettre d’une façon stable, à la portée de tous les membres de la société, les conditions matérielles requises pour le développement de leur vie culturelle et spirituelle». L’entreprise, aux formats multiples (production, commerce, services), se trouve donc légitimement incluse dans le plan de Dieu ; elle bénéficie de l’autorité et des moyens pour parvenir à ses fins ; Dieu y délègue son autorité à un chef d’entreprise qui jouit des grâces d’état pour la diriger, pourvu que ce dernier ait la volonté de se soumettre à son Créateur. En un mot, exercer l’autorité en entreprise, c’est prendre les décisions nécessaires pour que l’entreprise apporte sa contribution au bien commun social voulu par Dieu, tout en pratiquant les vertus chrétiennes pour le bien commun des employés.
L’autorité statutaire délivrée par la loi et le contrat de travail
Tout est prévu par la loi pour donner au dirigeant la capacité d’exercer son autorité naturelle, si utile par ailleurs à sa mission plus surnaturelle ; en cela, le législateur a plutôt bien travaillé en définissant différents formats d’entreprises, ainsi que les limites dans lesquelles l’autorité doit ou peut s’exercer : soit en légiférant, soit en laissant aux actionnaires la faculté de déterminer le périmètre de l’autorité du dirigeant au travers des statuts de l’entreprise. Plus l’entreprise est grande, plus l’autorité du dirigeant est contrebalancée par des organisations tierces (représentants du personnel, syndicats, etc.). Cette force d’opposition interne ou externe rend plus complexe l’exercice de l’autorité du dirigeant en la redistribuant en partie : tenaillé entre ses actionnaires, les syndicats, la législation et ses propres objectifs, c’est donc tout en finesse que le dirigeant devra imposer son autorité. Au final : un jeu d’équilibriste permanent ! Dernier élément qui renforce l’autorité statutaire, le contrat de travail qui soumet le salarié au dirigeant qui en dispose alors pour mener à bien ses missions. Tous les outils sont donc présents pour asseoir l’autorité pratique du dirigeant, mais est-ce suffisant ?
L’autorité de compétence et d'influence
Plus palpable pour les salariés, l’autorité de compétence et d’influence est en réalité celle qui assoit la vraie légitimité du dirigeant : en étant à l’écoute de ses salariés, extrayant ce qu’il y a de bon et rejetant ce qu’il y a de moins bon, tout en apportant sa vision globale de l’entreprise et en s’appuyant sur son expérience, le dirigeant exerce son véritable métier qui est d’écouter, comprendre, agir, conseiller et, au final, cautionner ou imposer tel ou tel projet. Il ne s’agit pas d’autoritarisme ici : ce concept n’est plus de mise aujourd’hui car les salariés ne le supporteraient plus, endoctrinés par les «droits de l’homme» qui ont pénétré partout l’esprit de la société : le partage des idées, l’écoute active sont des méthodes qui sont devenues indissociables d’une bonne compréhension et d’une totale acceptation de l’autorité par les salariés de l’entreprise. Le «management» regroupe toutes les méthodes destinées à arriver à des décisions acceptées. Lorsqu’elle est bien maîtrisée, cette autorité de compétence et d’influence donne des résultats probants : elle a un effet bénéfique sur l’enthousiasme, le moral, l’allant et, au final, les résultats de l’entreprise. Et le dirigeant peut exercer son autorité en utilisant les vertus chrétiennes d’humilité, de charité, science, prudence, tempérance, justice pour accomplir ses responsabilités…
L’autorité par l’exemple
En plus de s’assurer du rôle que joue l’entreprise dans le plan social divin, le dirigeant a un rôle spirituel, tout aussi important, auprès de ses salariés : par son honnêteté (et en particulier le devoir de justice dans les moindres détails), son exemple, son ardeur au travail , son courage, il peut, sans être pour autant ostentatoire, créer un climat fertile à la discussion et au questionnement spirituel de ses salariés. L’attitude exemplaire du dirigeant est le conducteur des bons comportements de ses subordonnés : elle est, de nos jours, le dernier bastion à défendre pour donner une dimension surnaturelle à son autorité dans un monde dépravé où, sauf cas exceptionnels, peu sont réceptifs à reconnaître la place voulue par Dieu pour l’entreprise. Comme on le voit, l’autorité en entreprise n’échappe aucunement aux bons principes chrétiens : les recettes se ressemblent toutes, il n’y a pas de véritable autorité sans application de toutes les principales vertus qui font les saints.Raymond de Collonges