Equilibre matériel
Prospérité, entre pauvreté et opulence
Voici le premier équilibre à atteindre. Il est difficile d’élever des enfants et d’approfondir sa vie spirituelle si chaque journée est totalement consacrée à trouver un peu de pain. L’extrême pauvreté accapare l’esprit et le corps dans une lutte effrénée de chaque instant pour survivre. Ainsi, un couple ne peut se fonder de façon saine sans un revenu stable permettant d’assurer un toit et le nécessaire pour les enfants à venir. Si parfois la vie malmène les familles financièrement, et de plus en plus ces dernières années, chacun doit veiller à ne pas créer de telles situations. Ne tombons pas non plus dans les lubies modernes qui parfois idéalisent des modes de vie dont on a perdu la réalité : on ne vit pas d’amour et d’eau fraîche. Tout plaquer pour élever des chèvres se prépare.
De même, Jésus nous en avertit : « Il est plus facile à un chameau de passer le chas d’une aiguille qu’à un riche d’entrer au Paradis. » La richesse, et plus encore que la richesse, l’esprit de richesse, nuit gravement à la sanctification des époux et de toute la famille. On peut ainsi avoir tendance à privilégier le travail du mari sur la vie de famille, afin de mener une carrière brillante et glorieuse, au détriment de l’attention portée aux enfants. Certains prennent aussi le risque d’un célibat géographique prolongé et non nécessaire pour obtenir telle ou telle promotion ou tel poste plus important. Le jeu en vaut-il la chandelle ? D’autres encore peuvent se laisser charmer par les sirènes de la réussite sociale, par la facilité de l’argent qui achète tout, des familles qui s’embourgeoisent et vont chercher sans cesse un surplus de confort qui dessert les enfants.
Entre ces deux extrémités il y a un équilibre à trouver : la prospérité vécue avec esprit de pauvreté. Pour cela, le père doit tout faire pour assurer un équilibre matériel suffisant pour sa famille. Précisons aussi qu’il peut être légitime de retarder une naissance pour un motif économique sérieux afin de préserver l’équilibre matériel de la famille. Pourvu que cela soit accompli selon les règles de Dieu.
Un moyen de se détacher du matériel sans le négliger, d’accroître l’esprit de pauvreté, est de faire l’aumône, de donner. Donner dès qu’on peut, quitte à se priver un peu. L’aumône n’est pas l’apanage des gens riches ; elle est le rayonnement des cœurs riches.
Travail de la femme
Nous l’entendons suffisamment souvent, le travail de la femme est une des marottes de notre époque qui en a fait une idéologie. Et comme toute idéologie, par contrecoup, l’antique modèle de la mère de famille au foyer est dévalorisé, dénigré. En réaction, nous pourrions avoir tendance à mal juger les femmes qui travaillent, à rejeter le principe même de la femme qui travaille. Aussi, à la suite de l’une des conférences données au congrès de 2019, précisons quelques points sur ce sujet délicat qui attise parfois les passions… et les controverses.
De tous temps, la femme a travaillé ; bourgeoises au comptoir, paysannes aux champs, couturières, infirmières, médecins, journalistes, écrivains, chefs d’entreprise comme Mme Martin. La description de la femme forte de la Bible en est un bel exemple (Proverbes 31, 10-31) : « Elle [la femme vertueuse] travaille d’une main joyeuse. [...] Du fruit de son travail elle plante une vigne. Elle ceint de force ses reins, elle affermit ses bras pour le travail. Elle sent que son gain est bon ; sa lampe ne s’éteint pas pendant la nuit. Elle met la main à la quenouille et ses doigts tiennent le fuseau. Elle fait des chemises et les vend, et elle livre des ceintures au marchand. [...] Elle ne mange pas le pain de l’oisiveté. [...] Récompensez-la du fruit de son travail, et que ses œuvres disent sa louange aux portes de la ville. »
Disons-le clairement : le travail de la femme est bon.
De plus, le travail de la femme peut être une nécessité matérielle à notre époque où les familles nombreuses s’appauvrissent et où les aléas de la vie peuvent frapper n’importe qui (chômage du mari, veuvage, célibat, etc.). Enfin, comme tout être humain créé par Dieu, la femme a l’obligation de faire fructifier ses talents, notamment par le travail (la question des talents va de pair avec le choix des études que doivent faire nos filles).
Le travail de la femme est donc bon. Le déséquilibre peut venir du le but qu’il poursuit et des conditions dans lesquelles il est mené. Ne nous leurrons pas : si le travail arrache la femme à son foyer, si le travail n’est là que pour garantir une certaine aisance dont on pourrait se passer et si, pour cette aisance, on sacrifie une partie de l’éducation des enfants et tout simplement la naissance aux plus jeunes, alors oui, il y a déséquilibre.
Si le travail de la femme n’a pour but que son indépendance, financière et sociale, s’il est effectué dans le but unique de faire carrière, de faire comme les autres, voir du monde, fuir le foyer, alors oui, il y a déséquilibre. On peut avoir tendance à se créer des besoins là où il n’y en a pas et, très souvent, cela se fait au détriment des enfants et de toute la famille.
Mais si ce travail est vital, s’il ne nuit pas au foyer, si au contraire il le renforce et le bonifie, s’il fait fructifier les talents, s’il contribue à l’épanouissement de la mère, alors ce travail sera bon. Enfin, ajoutons que la mère de famille retrouve plus de temps, les enfants grandissant. Si donc un travail n’est pas opportun à un moment donné, il pourra l’être plus tard : raison de plus pour orienter concrètement les études des filles. Cela s’appelle anticiper et prévoir.
Espacement des naissances
Sujet délicat s’il en est... Comme toujours, l’équilibre se trouve entre deux extrêmes : d’une part l’égoïsme absolu qui consisterait à refuser un enfant pour ne pas bousculer un confort établi, et d’autre part l’inconscience totale qui demanderait au bon Dieu de suppléer à l’imprudence de parents qui auraient trop d’enfants, plus qu’ils ne peuvent en élever matériellement, physiologiquement, psychologiquement et spirituellement.
Ce juste milieu, monseigneur Lefebvre le résume très clairement dans le sermon de son jubilé sacerdotal, à Paris, le 23 septembre 1979 :
« Eloignez, je vous en supplie, tout ce qui empêche les enfants de venir dans votre foyer. Il n’y a pas de plus beau don que le Bon Dieu puisse faire à vos foyers que d’avoir de nombreux enfants. Ayez des familles nombreuses, c’est la gloire de l’Eglise catholique que la famille nombreuse. Elle l’a été au Canada, elle l’a été en Hollande, elle l’a été en Suisse, elle l’a été en France, partout les familles nombreuses étaient la joie de l’Eglise et la prospérité de l’Eglise. Ce sont autant d’élus pour le Ciel. Alors ne limitez pas, je vous en supplie, les dons de Dieu, n’écoutez pas ces slogans abominables qui détruisent la famille, qui ruinent la santé, qui ruinent le ménage et qui provoquent les divorces ! »
On pourrait résumer cette injonction par un seul mot : générosité.
Les bienfaits de la rusticité et du retour à la terre
Nous avons souhaité rajouter à ce dossier une petite réflexion qui nous vient à nouveau de monseigneur Lefebvre. Voici ce qu’il disait lors du même sermon :
« Et je souhaite que dans ces temps si troublés, dans cette atmosphère si délétère dans laquelle nous vivons dans les villes, vous retourniez à la terre quand c’est possible. La terre est saine, la terre apprend à connaître Dieu, la terre rapproche de Dieu, elle équilibre les tempéraments, les caractères, elle encourage les enfants au travail. »
Il s’agit d’une vraie question que chacun doit se poser et à laquelle il doit répondre sous le regard de la Providence : retourner à la terre quand c’est possible. Bien évidemment, il faut que ce soit possible. Certaines situations professionnelles, certains attachements familiaux, la proximité d’une école ou d’une paroisse peuvent nous demander de vivre en ville. Mais quand c’est possible, vivre à la campagne, dans une maison un peu rustique, où il faut couper du bois pour se chauffer, où il faut entretenir un jardin sans quoi les herbes folles envahissent tout, où l’on peut faire un potager, regarder et observer la nature, loin du bruit et du laid, oui, ce mode de vie naturel rapproche de Dieu.
La maison de famille devient une école où l’on apprend le goût du travail, le sens de l’effort, le bon sens, les pieds dans la terre et la tête vers le ciel. On se crée aussi un ancrage familial, qui enracine les enfants dans quelque chose de concret. On éveille les âmes à la méditation par l’observation, à la contemplation par l’émerveillement, à la docilité et l’abandon en la Providence par les caprices de la météo et l’éloignement des services de proximité. Alors, pensons-y !
Chaleureuse maison
Le logement est un besoin essentiel de l’homme. De tout temps, et dans tous les pays, les hommes ont eu besoin de s’abriter, de se construire des toits. Mais, au fil des siècles de civilisation, la maison est peu à peu devenue beaucoup plus qu’un simple abri contre les rigueurs de l’hiver. Nos villes et villages sont recouverts de jolies maisons qui font la renommée de notre pays. La maison doit être chaleureuse, joliment décorée, accueillante, remplie de cette atmosphère apaisante qui caractérise les maisons où il fait bon vivre. On doit se sentir bien chez soi.
Aussi, pour l’équilibre de toute la famille, cet aspect n’est pas à négliger. Au contraire ! La maison doit être le refuge où la famille se retrouve, pour fêter ses joies et se retrouver dans les épreuves, où les enfants grandissent dans une atmosphère chaleureuse, reflet de l’amour de leurs parents, où tout le monde a ses souvenirs, ses repères, ses racines.